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  • : Les Lettres blanches : fragments d'un Carnet de mots et d'images, par Frédéric Tison
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 Frédéric Tison - Les Effigies - Librairie-Galerie Racine

 

Frédéric Tison, Les Effigies, Librairie-Galerie Racine, 2013.

 

 

 

 

Frederic-Tison---Le-Clair-du-temps-I.jpg

 

 

Le Clair du temps I, minuscules et photographies (2013), est le premier fragment d'un carnet de notes et d'images prises selon mes voyages et mes promenades. Auto-édition Lulu, 2013.

 

 

 

Une autre ville - 2013 - Frédéric Tison - Renaud Allirand

 

Une autre ville, poèmes de Frédéric Tison, encres de Chine et gravures de Renaud Allirand, 2013.

 

 

 

 Frederic-Tison---Le-Clair-du-temps-II.jpg

 

 

Frédéric Tison. Le Clair du temps II, minuscules et photographies (2012). Auto-édition Lulu, 2013.

 

 

 

    couv

 

Frédéric Tison. Les Ailes basses. Paris : Éditions Librairie-Galerie Racine, décembre 2010. 

 

     

Il est possible de commander le livre directement auprès de l'éditeur en faisant parvenir au 23 rue Racine, 75006 Paris  un règlement de 15 euros, pour un exemplaire, à l'ordre de la Librairie-Galerie Racine. (Les frais d'envoi sont offerts.)

 

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Édition de textes rares (et oubliés)

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  Charles d'Orléans et les poètes de sa cour : "Je meurs de soif auprès de la fontaine", Les Onze Ballades du Puy de Blois (vers 1457-1460). Auto-édition Lulu, octobre 2011.

 

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 img005   Un mien poème, "Haute Chambre de ville", figure dans le numéro 32 de la revue Les Hommes sans Épaules, second semestre 2011.

 

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   Nouveau blogue de Frédéric Tison

Les Lettres blanches, suite : 

 

 

 

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24 juin 2009 3 24 /06 /juin /2009 14:21




Hier soir, mardi 23 juin 2009, vue du premier balcon, allée G, Rang 8, place 1, à l’Opéra Bastille, peu avant huit heures.


 

LE ROI ROGER. – Quel est ton dieu ?

LE BERGER. – Il est aussi beau que moi…

 

                    K. Szymanowski et K. Iwaszkiewicz, Le Roi Roger, Acte I.

 

PENTHEE. – Pourquoi veux-tu faire entrer chez nous ces mystères ?

DIONYSOS. – Dionysos le fils de Zeus a décidé notre départ.

PENTHEE (ironique). – Vous avez là un autre Zeus, père de nouveaux dieux !

DIONYSOS. – Non. C’est ici qu’il s’est uni à Sémélé.

PENTHEE. – Etait-ce en rêve, ou les yeux ouverts que tu reçus son ordre ?

DIONYSOS. – Je l’ai vu face à face. Il m’a transmis les rites.

 

                     Euripide, Les Bacchantes, 465-470.

 

 

 

Du seul point de vue musical, la représentation du Roi Roger (1918-1924, créé en 1926 à Varsovie) de Karol Szymanowski (1882-1937) fut une splendeur.

 


Le livret de Karol Szymanowski et de son cousin Jaroslaw Iwaszkiewicz, souvent qualifié de « pompeux », « médiocre » et « fleuri » par les esthètes blasés, est au contraire une merveille de densité, concentrant en une nuit et trois actes minutieusement élaborés un drame essentiel : celui du Roi Roger (inspiré du roi Roger de Hauteville (1095-1154), couronné roi de Sicile sous le nom de Roger II en 1130), confronté à l’irruption dans son royaume d’un jeune berger, prêchant un nouveau dieu dansant, sombre et lumineux à la fois, et dont « l’appel secret et lointain » le trouble… Poussé par Edrisi, son bibliothécaire et géographe, il cherche à éclaircir cet appel... Son épouse Roxane, puis la Cour, y auront succombé avant lui. Quand à la fin le Berger se révèle dans la splendeur de Dionysos, Roger l’a entendu : il salue la belle illusion suprême et masquée du dieu en lui et se donne au Soleil.

 


Sur une si belle histoire, on est en droit d’attendre de somptueux décors, d’équivoques et subtiles images chatoyantes comme la musique. Au lieu de quoi la mise en scène de Krzysztof Warlikowski est toujours en décalage : un premier chœur composé d’enfants, de toute beauté, chante le bouleversant et grandiose « Hagios ! Hagios Kyrios Theos Sabaoth » derrière un écran de toile transparent sur lequel sont projetées, après des extraits de films montrant de jeunes hommes et des garçons dénudés, les images, filmées en temps réel, de hideux gros plans des visages des chanteurs du chœur qui s’est joint au premier, et de leurs corps, et de leurs chaussures, images tremblantes, « sales », détournant l’attention, par leurs mouvements désordonnés, de la musique toute en nuances qui se déroule dans l’air, rompant la solennité de l’église néo-byzantine où l’action est censée se dérouler.


 

Une danse bacchique illumine le second acte, dans la cour intérieure du palais du roi : mais au lieu de ménades transportées, de jeunes corps en sueur et délirants, de bondissements et d’ivresse fiévreuse, des corps mous et exténués s’enlacent deux par deux à la manière de limaces tortillantes, ou ondulent solitaires comme des serpents séniles, comme si la musique jouée dans l’orchestre était Pli selon Pli de Pierre Boulez… ou un slow sirupeux de boîte de nuit provinciale des années 1980, à une heure du matin, entre deux « tubes » plus rythmés.

 


Le chaos des faits et gestes sur la scène aurait pu fournir l’image du chaos qui traverse toute la musique, mais ce chaos-là n’est pas dionysiaque ; plutôt une clinquante confusion, tout simplement bête à force de se vouloir profonde et facétieuse : on n’accumule pas toujours les second, troisième et quatrième degrés sans que le renversement se fasse au détriment du rieur ; l’ironie tourne au ridicule, le rire doré à la sottise conceptuelle ; la spirale du sens se bloque sur un néant béat où l’intelligence la plus fine s’est arrêtée...


 

Au troisième acte, le comble est atteint : le surgissement final de Dionysos et de ses bacchants affublés de costumes de souris en peluche est aussi incongru que Pelléas et Mélisande déguisés en canards déambulant dans un jardin de plastique à Disneyland, ou Tristan et Isolde que l’on ferait chanter, vêtus de peaux de sanglier, au Parc Astérix dans la carrière de menhirs d’Obélix (mais cela arrivera sans doute un jour… (1)).


 

Le plancher de la scène, qui ne cesse de s’ouvrir et de se fermer à l’aide de dispositifs ingénieux dont on ne parvient pas (à la distance où nous nous trouvions du moins) à comprendre le fonctionnement, dévoile une sorte de piscine souterraine et mystérieuse, censée, bien entendu, représenter une ouverture vers l’inconscient, etc. Malgré les incessants « dévoilements » prétendus, tartes à la crème psychanalytiques, ce dispositif est une des rares réussites de la mise en scène, par le jeu des lumières qu’il propose : le bleu miroitant, liquide, du bas, le rouge et le bleu mat de la salle du palais du Roi, puis l’or scintillant qui envahit peu à peu la scène jusqu’à l’explosion finale, toutes ces couleurs se reflétant dans des panneaux de miroirs eux-mêmes coulissants.

 

 

L’Esprit de Dionysos, du moins, était dans la fosse, et dansait : loin, loin des gesticulations verbeuses et rutilantes de la mise en scène, le véritable drame silénique se jouait entre les instruments dirigés par Kazushi Ono, magnifique chef d’orchestre ; les voix admirables des chanteurs semblaient elles aussi ignorer les grotesques poses alanguies de leurs auteurs… Olga Pasichnyk incarnait une Roxane passionnée, vibrante, toute en extase éperdue. Tantôt doux, tantôt tempétueux, lascif et raffiné, le Berger d’Eric Cutler se confrontait à merveille au Roger inquiet et attentif de Mariusz Kwiecien : le ténor et le baryton mêlaient si sensuellement leurs voix dans leurs échanges que je n’ai presque pas fait attention, bien injustement, à Stefan Margita et son Edrisi…

 


Et la musique, hantée par le dieu berger, donnait parfois littéralement la chair de poule. Le mélomane exténué de salles d’opéra que j’évoquais au début de ce billet aura beau jeu de n’y déceler que réminiscences : bien sûr, le leitmotiv wagnérien dans la trame de l’œuvre, Ravel dans ses cuivres brefs et culminants, Strauss et sa Danse des sept voiles dans la danse qui emporte la Cour et Roxane, et d’autres influences encore traversent la composition et la fécondent. Seulement la musique de Szymanowski ne ressemble à aucune autre, elle est une synthèse unique d’influences recommencées. De ces notes raffinées, de ces notes en arabesques, de cette musique sans cesse menacée par la violence et le désordre, sourd Dionysos à chaque instant : l’utilisation particulière par Szymanowski des violons comme vents (réunissant là l’Apollon des cordes et le Dionysos du roseau), les rythmes heurtés, savants et sensuels, les aériennes mélodies, tout concourt à faire de cet opéra, dans mon Panthéon (ou mon Muséion) intime, l’une de celles que j'aime nommer les Œuvres inoubliables

 

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(1) Suggestions de mises en scène « décalées » pour des metteurs en scène « audacieux », ou Variations warlikowskiennes.

 

  

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