Si ma devise n'était déjà
TON RÉCIF DÉSIR, et ses variations, selon l'anagramme à la fin de mes livres, elle serait
JE VAIS VOIR, qui n'a rien à voir, ou bien si.
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Les Lettres blanches, [I.]
par Frédéric Tison.
Fragments d'un Carnet de mots et d'images.
Frédéric Tison, Les Effigies, Librairie-Galerie Racine, 2013.
Le Clair du temps I, minuscules et photographies (2013), est le premier fragment d'un carnet de notes et d'images prises selon mes voyages et mes promenades. Auto-édition Lulu, 2013.
Une autre ville, poèmes de Frédéric Tison, encres de Chine et gravures de Renaud Allirand, 2013.
Frédéric Tison. Le Clair du temps II, minuscules et photographies (2012). Auto-édition Lulu, 2013.
Frédéric Tison. Les Ailes basses. Paris : Éditions Librairie-Galerie Racine, décembre 2010.
Il est possible de commander le livre directement auprès de l'éditeur en faisant parvenir au 23 rue Racine, 75006 Paris un règlement de 15 euros, pour un exemplaire, à l'ordre de la Librairie-Galerie Racine. (Les frais d'envoi sont offerts.)
Charles d'Orléans et les poètes de sa cour : "Je meurs de soif auprès de la fontaine", Les Onze Ballades du Puy de Blois (vers 1457-1460). Auto-édition Lulu, octobre 2011.
Nouveau blogue de Frédéric Tison
Les Lettres blanches, suite :
http://leslettresblanches.hautetfort.com/
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Mes livres sur le site des éditions Les Hommes sans Épaules
TON RÉCIF DÉSIR
Si ma devise n'était déjà
TON RÉCIF DÉSIR, et ses variations, selon l'anagramme à la fin de mes livres, elle serait
JE VAIS VOIR, qui n'a rien à voir, ou bien si.
Ce blogue, comme ceux de mes petits livres écrits en "prose", n'est pas un miroir de "moi-même" : c'est le miroir d'un miroir que je me tends, où ce que j'aime, et surtout aime aimer, me devance ou me précède, selon... Un détail me parle, mais toutes ces pages parlent sans moi.
Eadwine, dans le texte entourant la miniature le représentant, contrevient à la Règle de saint Benoît (XLVIII) : il tire gloire de son travail et de son œuvre...
Sur une petite terrasse, il y a plus d'un an, au haut du village des Deux-Alpes, dans l'Oisans : ultime mise au clair des Ailes basses. (Photographie du 5 mars 2010.)
Isnel est pour tout le monde.
Je m’avise qu’il y a ici deux carnets (leurs fragments) de mes images en « concurrence » : celui de promenades dont les images sont « mises en ligne » le soir même ; celui rétrospectif : faute de temps sur l’heure, je me replonge, plusieurs jours après, dans mes archives photographiques, qui sont autant de brouillons, desquels j’élis quelques images, lesquelles agissent alors ainsi que des traces. Mais bientôt – il suffit d’une semaine parfois – les deux carnets se confondent dans le temps de la mémoire, jours et heures entremêlés, certains jours plus vifs que l’heure passée. Mais n’est-ce pas ainsi que nous vivons ?
Je n'ai peut-être pas eu tout à fait raison de transcrire la Saulsaye de Scève en français moderne. Bien sûr, si je l'ai fait, c'était poussé par le désir de mieux comprendre un texte aride et beau que sa syntaxe, son vocabulaire et son orthographe rendaient encore difficile. Bien que plus sage que celle des Lais d'une Marie de France, l'orthographe était en effet fort capricieuse au XVIème siècle, hésitant entre les héritages latin et roman et les nécessités d'une langue "neuve", adaptée au monde et aux connaissances jeunes ; il me semble alors que ma transcription a redonné au poème la "fraîcheur" que quatre siècles avaient ternie : tel était mon désir... Cependant, n'ai-je pas rompu le charme ancien de ces vers tels qu'ils furent tracés, et effacé sans le vouloir la voix initiale du poète ? Car j'aime aussi cette langue du XVIème siècle français, un peu hérissée, très concentrée, élégante et un peu rude à la fois, hautaine et intime - cette langue qui n'est pas exactement la mienne et que j'entends pourtant aussi bien qu'elle, ou du moins dont je perçois et j'aime le rythme, la danse, les lenteurs, les gouffres et le chant autant que j'aime ceux de ma langue maternelle. Cette strophe, que chante Philerme à Antire :
Or allons donc (pour veu que tu le vueilles)
Seoir soubs cest Orme à si espaisses fueilles.
Car là se plaint la Tourte vefve* & triste, * la tourterelle veuve
Et la Palombe, aupres qui se contriste :
L'aure, & le vent y sifflent, et frisonnent :
Et tout autour les undes y bouillonnent :
Ou ma voisine Echo t'escoutera,
Qui apres toy tes beaux vers chantera.
... cette strophe est-elle plus belle que la transcription que j'en fis ? (Une transcription d'ailleurs toute relative : j'ai éliminé les archaïsmes orthographiques mais respecté les cadences et maintenu les mots oubliés.)
Mon travail est donc inachevé. A la fin j'aurais sans doute dû éditer deux versions concurrentes de mon livre d'hommage : ma transcription, telle qu'elle parut ; et le livre du poème intact de Maurice Scève, celui d'un monde où chacun, même l'honnête l'homme, même l'élite cultivée, croyait que c'était le vent qui apportait de la Lune la rosée que l'on voit sur les feuilles et dans l'herbe, au matin.
En 2003, pour l’exergue du poème IX du Quatrième Livre d’Anuho, j’avais choisi la traduction en français moderne d’un passage du plus célèbre poème de Raimbaut d’Orange, celui dont le premier vers est « Ar resplan la flors enversa », et dont j’élus le commencement de la deuxième « strophe » :
Quar enaissi m'o enverse
Que bel plan mi semblon tertre
E tenc per flor lo conglapi…
J’en donnais la traduction suivante :
Car le monde ainsi j’inverse
Que belles plaines me semblent tertres
Et je tiens pour fleurs la neige et le givre… (1)
Or je m’avise qu’il n’est pas question, chez Raimbaut, de monde, ni d’ailleurs de neige, mais uniquement de givre, ou de verglas. De même, il n’y a qu’une seule plaine. Pourquoi ajoutai-je la neige, et le pluriel des plaines, sinon parce que je suivis aveuglément les premières traductions que je lus du poème, avant même de connaître le texte original ? Ah mes livres, ah Francesca Yvonne Caroutch et sa quête licornienne… J’aurai aussi rêvé cela.
Il eût fallu écrire :
Car en moi j’inverse, ainsi
Que belle plaine me semble tertre
Et tiens pour fleur le givre…
Si le poème s’épanche en soi, il se serre au dehors : c'est qu'il a très froid dans le monde... (Il faudrait écrire l'écharpe du poème au monde...). Cette traduction, plutôt cette transcription dilettante, je la dois au temps, à la relecture, c’est-à-dire à la même chose. Mais de cela, de cette transcription, je ne suis même pas certain, puisque j’ignore encore, fondamentalement, les arcanes de la langue de Raimbaut d’Orange…
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(1) Anuho (Les Quatre Livres) [2003]. Nouvelle édition illustrée. Lulu : 2009, p. 81.